KONFERANS, LYANNAJ é MEETING èvè Lé REZISTAN - Jeudi 27 Juin 2024
Publié le 24/06/2024
Meeting Solidarité KANAKY mardi 11 juin 2024
Publié le 10/06/2024
Meeting lundi 06/02/2023 à 19h au Palais de la Mutualité
Publié le 5/02/2023
Meeting d’information jeudi 10 mars 2022 à 18h30
Publié le 6/03/2022
Meeting d’information mardi 8 mars2022 à 18h30
Publié le 6/03/2022
France-Antilles trouve son origine dans le lancement, en 1964 et 1965, de deux quotidiens éponymes (France-Antilles Martinique et France-Antilles Guadeloupe) par l’éditeur Robert Hersant, avec l’appui de la Société nationale des entreprises de presse (SNEP), un organisme d’Etat chargé à la Libération de redistribuer les biens de presse confisqués à ceux qui avaient collaboré avec l’occupant allemand puis d’aider, après les « indépendances », à la création de titres dans le cadre de la coopération en Afrique.
Cette création, relatée par le magnat de la presse qui avait l’habitude de passer ses vacances d’hiver à la Guadeloupe, est symptomatique des liens entretenus avec le pouvoir politique de métropole : « « je me suis trouvé en face de tous les parlementaires de l’île, du général qui commande la région, de l’ensemble du Conseil général (à une réception chez le préfet). J’ai été traité et chouchouté, plusieurs punchs servis et, à la fin du repas, le préfet m’a dit :
“alors Monsieur Hersant, quand faites-vous un journal aux Antilles ?”
J’ai répondu : “Demain !” ».
La création, pourtant, demandera plus de temps, le général de Gaulle
n’étant pas favorable à celui qui avait été condamné à dix ans d’indignité
nationale pour des faits de collaboration pendant l’Occupation. C’est à l’occasion d’une visite à la Martinique du général, devenu Président de la République, que sort le premier France-Antilles en 1964. La stratégie est autant politique que géopolitique : non seulement les journaux sont largement responsables de l’écrasant succès électoral du Président de Gaulle en décembre 1965 (55 % des voix en métropole mais 86 % à la Martinique et 90 % à la Guadeloupe) – comme de ceux des candidats de la droite qui suivront –, mais ils mettent aussi en valeur la présence française dans les îles, ce à quoi tient particulièrement le gouvernement dirigé par Michel Debré, très préoccupé par l’Outre-mer du fait de ses attaches avec l’Île de la Réunion.
L’Etat finance avec des deniers publics le lancement de France-Antilles,
en installant une imprimerie et en créant le titre que Robert Hersant rachètera en 1973 dans le cadre d’une transaction dont le montant reste inconnu. Au-delà d’organes pour orchestrer sa communication politique dans les départements et territoires d’Outre-mer, le gouvernement Debré – avec Alain Peyrefitte, ministre de l’Intérieur en charge du projet – cherche aussi à consolider la dimension française de territoires éloignés de la métropole, tandis que disparaît l’empire colonial et que sont proclamées les indépendances au début des années soixante.
Le titre du journal rappelle d’ailleurs les titres coloniaux d’Afrique des
années trente, qui affirmaient d’emblée le lien avec la métropole par un trait d’union insécable : Paris-Dakar, Paris-Congo, Paris-Bénin, France-Afrique. Il fait aussi référence à une politique de service public où le mot « France » est présent dans le nom de la chaîne de télévision, de la radio (RFO) et de l’agence (AFP). La politique éditoriale est annoncée dès le titre comme une déclaration et une réalité. France-Antilles parle alors essentiellement de la France et des Antilles. A ses débuts, il reprend fondamentalement un découpage de journal départemental métropolitain, avec les actualités de l’île ou des départements ultra-marins (les petites Antilles) et celles de la métropole (la France), l’actualité internationale ou plus largement régionale étant réduite à quelques dépêches ou moutures.
France-Antilles est, à la Martinique comme à la Guadeloupe – où s’installent une seconde rédaction puis une imprimerie – un journal exclusivement rédigé en français, langue nationale et officielle, langue d’administration, de culture et d’échange. Il n’est fait aucune place au créole, la langue parlée par la majorité des habitants des îles. Le chercheur guadeloupéen Dannick Zandronis pourra ainsi dénoncer dans un colloque sur la créolité réuni à Saint-Gilles-de-la-Réunion, « cette presse francophone et francophile » : « dans
sa première période, ce journal dirigé par Robert Hersant et inspiré directement par de Gaulle est, avec la radio et la télévision d’Etat, le chaînon qui manquait dans le dispositif idéologique mis en place en Guadeloupe et en Martinique par le gouvernement français ». Aujourd’hui, France-Antilles publie des tribunes sur le créole – comme celle d’un conseiller municipal qui plaide : « ne faisons pas du créole écrit une langue étrangère » –, mais en français.
Cette approche s’éloigne à peine de la politique linguistique du gouvernement français qui a consisté « simplement à ignorer la langue locale, le créole martiniquais et guadeloupéen, dans le cadre de l’administration de l’Etat et de l’éducation institutionnalisée [...] Cependant, puisque la France vient de signer la Charte européenne des langues régionales et minoritaires, la politique linguistique pratiquée devrait être profondément révisée ». Le créole – très présent dans les journaux d’opinions ou les radios privées – entre déjà un peu dans
les quotidiens de France-Antilles par la reprise d’expressions plus ou moins entre parenthèses et de formules tirées d’interviews, ce qui ne favorise pas forcément la fixation de cette langue. « La presse écrite, si elle est exclusivement de langue française, pratique l’alternance de code français/créole. Donnant en outre la parole sous forme d’interview ou de témoignage, elle produit un écrit du créole qui n’est donc pas normalisé ».
Acacio Calisto
Publié avec l’accord de l’auteur
Jusqu’en 2004, le Groupe HERSANT était composée de deux entités : la Socpresse et France-Antilles. En 2004 la Socpresse étant dans l’incapacité de rembourser le prêt important accordé par Dassault, qui s’était déjà introduit dans le capital, ce dernier a pu reprendre l’essentiel des actions détenues par les héritiers Hersant, et passer de 30 à 82 % du capital. Le groupe France-Antilles ne faisait pas partie de la transaction si rapidement menée par Dassault, et continue à être dirigé par Philippe Hersant.