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« L’image qui en ressort est bien éloignée de celle d’une région agricole dont la croissance est rythmée par les campagnes sucrières et bananières.
L’image actuelle est celle d’une région qui a réussi à se moderniser, d’une région tertiarisée avec de nombreux services aux entreprises et aux particuliers, d’une région qui, grâce à une croissance forte, a réussi à créer nombre d’emplois, stabilisant voire réduisant ainsi le chômage structurellement élevé. C’est cette image qui aujourd’hui doit être portée à l’extérieur. »
La Guadeloupe a été durant la décennie 1990, la région française qui a
connu la plus forte croissance par habitant, atteignant 55,9 % du PIB par
habitant français en 2000. Cette singularité guadeloupéenne est peu souvent relevée. Sans doute faut-il voir là, une manifestation de la rareté des analyses portant sur l’Archipel un regard économique, et plus encore macro-économique.
La Guadeloupe a été, au cours de la décennie 1990, la région française qui a connu la plus forte croissance. Le PIB par tête a progressé de plus d’un quart sur cette période. Cette dynamique se retrouve sur l’emploi salarié et sur la création d’entreprises.
Trois phénomènes marquants ont accompagné la croissance guadeloupéenne sur la décennie.
Le premier est la salarisation de plus en plus forte des revenus. La part des revenus distribuée sous forme salariale est devenue supérieure au niveau moyen français.
Le second est l’allongement des circuits économiques, signe de la modernisation et de la complexification qui a accompagné l’expansion économique.
Enfin, la croissance doit être rapprochée de gains de productivité
appréciables : environ 20 % sur la décennie.
1.1. La croissance
La croissance guadeloupéenne s’est établie en moyenne à +3,4 % entre 1990 et 2000. Sur l’ensemble de la période, le PIB par habitant guadeloupéen a progressé de 27,3 %, soit une augmentation
de plus d’un quart (2,4%en moyenne annuelle). Cette performance appréciable est issue d’un mouvement de croissance continu, au rythme moyen de 2,4 % par an, mais avec une forte accélération en fin de période entre 1996 et 2000.
En comparaison tant nationale que régionale, cette progression constitue un bon résultat.
Au niveau français, la croissance guadeloupéenne apparaît double de celle enregistrée au niveau national, et plus rapide que celle de toutes les régions métropolitaines. Les régions ayant crû le plus rapidement en France métropolitaine sur cette même période sont « Pays de la Loire » et « Bretagne » qui ont enregistré une progression de leur PIB par habitant de 2,1 % en moyenne. La Guadeloupe se situe également nettement au dessus des autres DOM, en termes de croissance sur l’ensemble de la décennie 1990.
1.2. Structure et progression du PIB
La consommation finale explique la majeure partie de l’accroissement du PIB sur la période, avec toutefois une contribution significative de la FBCF.
Le commerce extérieur a, pour sa part, une contribution assez fortement négative, ce qui signifie que le solde commercial s’est dégradé durant la période. Cela est toutefois dû en bonne partie à la différence importante de niveau entre importations et exportations car les exportations ont crû en moyenne plus rapidement que les importations (+4,7% en moyenne annuelle pour les importations entre 1993 et 2000 et +7,1 % pour les exportations qui est le poste de l’équilibre ressource emploi ayant crû le plus vite).
Les salaires représentent une part dominante et croissante des revenus
créés. Ils contribuent pour les deux tiers à la croissance du PIB observée
sur la période.
La progression de plus de 4 points en 7 ans de la part des salaires dans le PIB, par l’augmentation du coût du travail et l’accroissement
de l’emploi salarié, représente une transformation importante, qui témoigne d’une forte tendance à la salarisation des revenus. En effet, cette progression se fait au détriment des revenus entrepreneuriaux (revenus mixtes et excédent brut d’exploitation).
Le partage des revenus présente en fin de période un profil proche de celui de l’ensemble de la France, où les salaires représentaient, en 2000, 52 % du PIB et les bénéfices et revenus mixtes 34 %, avec toutefois la différence importante que la part des salaires dans la création des revenus nationaux est décroissante dans le temps.
1.3. L’emploi
La croissance de l’emploi salarié, régulière tout au long de la décennie, peut paraître banale ou même modeste. La création d’emploi est en fait importante puisque près de 22 000 emplois salariés nets ont été créés au cours de la décennie pour un total de 110 000. En 2000, au moins 20 % des emplois salariés en Guadeloupe avaient été créés au cours de la décennie.
En France, cette même proportion atteint seulement les 10 %.
Au cours de la décennie 1990, la population âgée de 20 à 59 ans a augmenté de 1,4%par an, moins vite que l’emploi total. L’emploi salarié a progressé encore plus vite (+2,2 % par an). Cette progression est toutefois tempérée par une décroissance de l’emploi non salarié3 qui confirme la substitution entre revenus salariaux et revenus entrepreneuriaux constatée ci-dessus.
Le dynamisme de l’emploi salarié est corroboré par le taux élevé de création d’entreprises4 qui est de 11,6 % pour la Guadeloupe en 2001 pour une moyenne métropolitaine de 11,0 %. Seules deux régions métropolitaines ont un taux plus élevé que la Guadeloupe. Si l’on se restreint aux créations pures, alors la Guadeloupe se situe devant toutes les régions métropolitaines, au même niveau cependant
que les autres DOM.
Les enquêtes montrent par ailleurs que les taux de survie à trois ans sont meilleurs en Guadeloupe que dans le reste de la France.
Pourtant le rythme de création d’emplois, et même d’emplois salariés,
reste sensiblement inférieur au rythme de la croissance.
L’écart régulier (entre 1,5 % et 2,2 %) entre le taux de croissance du PIB et celui de l’emploi 7, sur l’ensemble de la période, est un résultat à noter. En moyenne, le PIB a crû de 3,4% par an en volume, tandis que l’emploi ne progressait que de 1,7 % (l’emploi salarié de 2,2 %). Il en ressort une progression de la productivité globale apparente par actif occupé de 1,7 % par an (20 % sur l’ensemble de la décennie).
Cette progression est plus sensible en début et fin de décennie.
Si l’on se limite à l’emploi privé, on découvre que les progrès de productivité sont encore plus importants (voir partie 2).
À titre de comparaison, sur la même période, la France a eu un rythme de croissance annuel moyen du PIB de 1,9 % et de l’emploi de 0,8 %, soit une progression en moyenne de la productivité globale de 1,1 % par an.
Si l’on assemble les évolutions observées sur les salaires et sur l’emploi,
une triple tendance mérite d’être signalée : l’emploi salarié connaît une
évolution dynamique, notamment par un phénomène de substitution avec l’emploi non salarié ; cette croissance de l’emploi est toutefois moindre que celle de l’activité et s’accompagne donc de progrès de productivité importants.
Toutefois, les hausses de salaires font plus que compenser les gains de productivité et la part des revenus distribuée sous forme salariale
augmente nettement.
La croissance rapide de l’économie guadeloupéenne est la résultante de flux - de recettes et de coûts, de transferts de revenus - qui progressent pour la plupart encore nettement plus vite, témoignant d’une certaine « effervescence » économique au cours de la décennie 1990.
La principale dynamique économique résulte de l’activité des sociétés privées, dont le poids dans l’économie s’accroît au détriment des activités entrepreneuriales des ménages. Cette dynamique est portée par une croissance très rapide de l’investissement des sociétés, facilitée par l’apport d’épargne métropolitaine, et qui a fait plus que compenser le ralentissement de l’investissement en logement des ménages.
Les salaires, tant publics que privés, ont progressé très rapidement, entraînant une baisse du taux de marge des entreprises. Mais, la croissance de l’activité a toutefois permis aux sociétés privées d’absorber cette augmentation de la masse salariale et de préserver une dynamique de croissance en valeur de leurs marges et de leurs investissements, au prix toutefois d’un rythme d’embauche ralenti.
Les ménages sont naturellement les bénéficiaires de la poussée salariale. En dépit de la baisse relative de leurs revenus entrepreneuriaux et de la forte progression des prélèvements, leur revenu s’est amélioré à un rythme soutenu, comparable à celui de la croissance de l’économie. Le secteur des administrations publiques a un poids prépondérant dans l’économie, qui a eu plutôt tendance à se renforcer encore en fin de période. On assiste en effet à une augmentation rapide des dépenses publiques à partir de
1999, mais dans l’ensemble la croissance des recettes a été encore plus rapide, atténuant légèrement une caractéristique de faible fiscalisation.
Par ailleurs, le secteur public a réellement joué le premier rôle en termes de création d’emploi, notamment les collectivités locales : près de 60 % des emplois créés au cours de la décennie l’ont été dans le secteur administré.